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 La découverte par sa gouvernante d’Armand de Saint-Hilaire gisant dans sa bibliothèque conduit Maigret à enquêter dans les « rues aristocratiques » voisines du boulevard Saint-Germain, un quartier qu'il connait mal, et dans un monde qui semble exclusivement peuplé de septuagénaires : « Dans cette affaire, il n’y avait que des vieillards avec, entre eux, des relations qui ne paraissaient pas humaines. » Quant au milieu social, c'est celui que Maigret a connu dans son enfance passée à l'ombre du château de Saint-Fiacre où son père était régisseur, et qui provoque toujours en lui un  étrange mélange de fascination et de rejet envers des « êtres d'une essence particulière ».

 

La mort violente du comte de Saint-Hilaire reste mystérieuse : le crime crapuleux est vite écarté, tout comme un assassinat pour des motifs d’ordre politique. La société guindée et surannée dans laquelle évoluait l’ancien ambassadeur n’est constituée que de vieilles gens débonnaires, notaires ou médecins, et d’une vieille servante dévote, taiseuse et méfiante. Seul contraste parmi ces gens comme surgis du passé, un jeune fonctionnaire figé et arrogant du quai d’Orsay, plus soucieux des remous que pourrait provoquer l'affaire que de la recherche de la vérité.

 

Maigret ne tarde pas à découvrir, ce que personne dans l’entourage du mort n’ignorait, qu’Armand de Saint-Hilaire entretenait depuis cinquante ans une relation platonique et épistolaire avec une femme de la haute société, Isabelle, qu’il n’avait pu épouser dans sa jeunesse faute de fortune. C’est cette histoire d’amour intemporelle, dans laquelle le présent est moins réel que le passé, qui constitue la trame du roman, une histoire si parfaite et si romanesque qu’elle perturbe profondément un Maigret qui admet avoir besoin de se retrouver sur un terrain plus solide, comme celui du « petit peuple du faubourg Saint-Antoine » qu’il a côtoyé lors d'une précédente enquête. Pourtant, les choses ne sont pas si différentes : « Les lettres d’Isabelle ne ressemblaient peut-être pas à celles ces amants dont Maigret avait à s’occuper d’habitude, mais le crime, lui, était bien réel. »

 

Maigret et les vieillards.

Ce roman d'une « légèreté grave » selon Murielle Wenger, se développe autour de deux points forts : le soleil printanier qui rend la vie plus légère – « un son lointain, une bouffée d’air tiède, la tache claire d’un corsage qui le reportaient à vingt ou trente ans en arrière » – et la tendresse de la relation entre deux êtres dont seule reste la correspondance. Maigret est à la fois fasciné par l’histoire d’amour, qu’il voit comme une légende créée par Armand et Isabelle et à laquelle ils ont cru, et agacé : « Tout cela était faux, inhumain ». Il n’en sortira pas indemne, partagé entre le souvenir du passé lointain » de son enfance heureuse au château de Saint-Fiacre, et l'appréhension d’un « avenir un peu moins lointain ». Une crainte du temps qui passe qui se traduit par un élan de  tendresse pour Mme Maigret : « Il était plus grave que d’habitude, d’une gravité sereine, mais elle n’osa pas le questionner quand, pour l’embrasser, il la serra longtemps contre lui sans rien dire. »

 

Georges Simenon, Maigret et les vieillards © Paris, Presses de la Cité, 1960 et Omnibus, 2007

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C'est arrivé deux ou trois fois en un an. Cette fois-ci, je me suis mis à sangloter. Puis, sans trop de confiance, je me suis remis à ma machine. Je pense que c'est le meilleur des Maigret. Je le saurai quand j'en commencerai la révision. Dès le Festival de Cannes, je voulais écrire un roman plein de soleil et de tendresse. J'en avais un en tête, pour lequel les personnages, le décor étaient prêts. De celui-là, je n'ai écrit que trois pages. Ce n'était pas un Maigret et les héros avaient la trentaine. Je me suis rendu compte après coup que dans Maigret et les vieillards, qui a en quelque sorte remplacé ce roman abandonné, j'ai exprimé la même tendresse, mis autant de soleil, mais avec des personnages qui ont tous entre soixante-douze et quatre-vingt-cinq ans.

Georges Simenon - Quand j’étais vieux © Presses de la Cité, 1970.

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Tag(s) : #1960, #Paris, #Presses de la Cité
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