Valentine Besson, une vielle dame autrefois très riche qui vit à Etretat, se rend au Quai des Orfèvres pour demander l’aide de Maigret suite à la mort de Rose Trochu, sa bonne, empoisonnée après avoir absorbé le somnifère que sa patronne avait renoncé à prendre, le trouvant trop amer. Parallèlement, le beau-fils de Mme Besson, député, sollicite le patron de la police. Après Pietr le Letton et Au Rendez-vous des Terre-Neuvas, le commissaire retrouve la Normandie où il cherche à savoir qui pouvait en vouloir à une paisible grand-mère recluse dans sa villa ? D’autant que le crime semble a priori ne profiter à personne, la fortune amassée par le mari de Valentine n’étant plus qu'un lointain souvenir.
La plus grande partie du roman est consacrée à la description, au travers des entretiens qu'ils ont avec Maigret, des membres de la famille de Vla vielle dame, sa fille aux multiples aventures extra-conjugales, et ses deux beaux-fils, le député, un être falot, et son frère, aussi mondain et snob que désargenté. Aucun d’entre eux ne parait toutefois avoir l’étoffe d’un suspect.
Ils ne sont des saints ni les uns ni les autres, mais ils ne sont pas non plus méchants.
S’ils n’ont pas pour moi un amour aveugle, je ne pense pas non plus qu’ils me détestent et ma mort ne leur serait profitable ni aux uns ni aux autres. (2007-V: 919)
Maigret a vécu son arrivée à Etretat comme un moment de bonheur. On sait qu’il aime la Côte atlantique avec ses odeurs d’algues, le bruit des vagues et le son de la corne de brume. Le plaisir s’accompagne d’une certaine nostalgie pour lui qui a découvert l’océan tard ainsi que d’un émerveillement qui reste celui de l’enfance avec l’évocation des filets à crevettes, du train qui ressemble à un jouet, du rayon vert et des marchands de coquillages et de souvenirs. Même si cette euphorie est atténuée par le regret de ne pas être avec Mme Maigret. Cette « impression d’un monde artificiel, pas sérieux, où rien de grave ne pouvait advenir. » est de courte durée car, en pénétrant plus avant dans l’intimité de la famille Besson, il découvre une réalité toute différente. Il est en effet ici question d'une machination de haute volée digne des meilleurs whodunit et à des protagonistes maniant avec cynisme le mensonge et la dissimilation. Maigret a du mal à reconstituer la vérité et ne parvient qu’à moitié à confondre des coupables qui, il le sait, se défendront « jusqu’au bout, avec bec et ongles ». Ce qui explique peut-être la ruse surprenante qu’il utilise, les menaçant de les livrer à la vindicte de la famille de la bonne disparue. Souvenirs peut-être des abus d’une épuration récente en France ou influence de vengeances populaires que Simenon, alors exilé aux Etats-Unis, ne pouvait pas ignorer…
C’est un Maigret en colère qui conclue son enquête à Etretat. La confrontation à des êtres cupides et sans scrupules a mis à mal les illusions de celui qui souhaite être un raccommodeur de destins et a brisé l’espoir de retrouver le monde dont on rêve quand on est petit, quand tout paraît si simple :
Était-ce une particularité de Maigret ? Ou bien d’autres, qui avaient les mêmes nostalgies, évitaient ils de l’avouer ? Il aurait tant voulu que le monde soit comme on le découvre quand on est petit. Dans son esprit, il disait : « Comme sur les images. »
(…)
Maintenant, bien sûr, il savait. Il passait sa vie, en quelques sorte, à voir l’envers du décor, mais il gardait le regret enfantin d’un monde « comme sur les images ». (2007-V : 950)
Georges Simenon, Maigret et la vieille dame © Paris, Presses de la cité, 1950 et Omnibus, 2007.