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 Maigret a découvert les Etats-Unis, on disait l’Amérique, dans Maigret à New York, où il a mené une enquête à titre privé. Dans Maigret chez le coroner, il est en voyage d’études dans l’Arizona, l’une des étapes d’une tournée qui lui parait interminable. On ne sait pas trop ce qu’il a étudié jusqu’à présent (on connaît son peu de goût pour les « méthodes ») mais son collègue du FBI de Tucson lui a suggéré d’assister aux séances publiques d’une enquête conduite par un coroner qui, assisté d'un jury populaire, doit déterminer, préalablement à une éventuelle mise en accusation, si la mort d’une jeune femme relève d’un accident, d’un suicide ou d’un homicide. Celle-ci, Bessy Mitchell, a été découverte mutilée sur la voie de chemin de fer reliant Tucson au Mexique. La veille, elle était sortie pour une soirée particulièrement arrosée avec cinq militaires de la base d'aviation proche de la ville.

Le roman relate une procédure particulière à la justice américaine (et anglo-saxonne) à laquelle Maigret n’assiste qu’en tant que spectateur d'où la rage qu'il ressent parfois à ne pas pouvoir intervenir. Patient, il assiste aux interrogatoires des jeunes gens et aux dépositions des témoins, des policiers pour la plupart, en essayant de comprendre comment les choses se sont déroulées. Après tout, les hommes ne sont-ils pas partout les mêmes ? Les séances se succèdent, entremêlées de discussions avec ses collègues, le plus souvent dans des bars où la bière et le whisky coulent à flot. Maigret, à défaut d’apporter des preuves inattaquables, se fera finalement une intime conviction, que les derniers rebondissements devant la cour viendront en partie confirmer. Quant à la décision des jurés, personne n’en saura rien, le commissaire devant quitter Tucson pour Los Angeles avant la fin de leurs délibérations, pour une autre « étude ».

Maigret chez le coroner.
Croquis insérés dans le roman © Presses de la cité, 1949

Le roman, dont l’action s’étale sur quatre jours et qui fait une large place aux échanges, ne tient pas vraiment en haleine. Il est toutefois intéressant car il constitue une des trois enquêtes  dans laquelle Maigret rencontre les Etats-Unis. Si, dans Maigret à New York, qui se termine sur un semi-échec, sa découverte de la vie quotidienne outre-Atlantique comme des procédures policières l’a laissé perplexe, Maigret chez le coroner décrit un homme moins négatif, à la fois impressionné par les conditions de vie de gens « qui ont tout » (le roman est écrit alors que l’Europe peine à se remettre de la guerre) et sceptique devant des pratiques sociales non dénuées d’hypocrisie : « Qu’est-ce qui ne tournait pas rond dans ce pays-là, où ils avaient tout ? ». Ce n’est que dans Maigret, Lognon et les gangsters qu’il prendra une sorte de revanche en montrant à des collègues américains en mission à Paris ce que vaut la police française. Car les relations entre Maigret et les Etats-Unis sont complexes, l'homme du terroir qu'il est ayant beaucoup de mal à se faire à un pays qu’il ne comprend pas ou, plutôt, qu’il ne cherche pas vraiment à comprendre. Sa dernière remarque, dans l’avion qui l’emmène vers la Californie - « Qu’est-ce qu’il faisait là ? »  - ne résume-t-elle pas son opinion ?

Maigret chez le coroner est aussi un bon exemple de roman policier judicaire, genre anglo-saxon peu pratiqué par les auteurs français. Simenon s’y était déjà lancé dès 1940 avec un de ses meilleurs « romans durs », Les inconnus dans la maison, qui est comme ici une histoire de « sales gamins », et dont la deuxième partie relate minutieusement la tenue d’un procès d’assises. Il récidivera en 1960 avec Maigret aux assises, où il décrit un commissaire las et désabusé face à un appareil judiciaire qui, selon lui, schématise et désincarne les êtres de sang et de chair que la police a filés et arrêtés, et, d’une certaine manière, compris. Pour lui, trop éloignée du terrain, étrangère aux femmes et aux hommes qu’elle ne connait que par la lecture de dossiers, la justice dévoie la personnalité de ceux qu’elle est chargée de juger : « L’affaire n’est dessinée qu’en quelques traits, les personnages ne sont plus que des esquisses, sinon des caricatures… ». Quant à savoir si le système anglo-saxon est plus efficace…

Georges Simenon, Maigret chez le corone © Paris, Presses de la Cité, 1949 et Omnibus, 2007.

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Tag(s) : #1949, #Etats-Unis, #Presses de la Cité
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