Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 Simenon met fin aux enquêtes de Maigret dans Maigret et monsieur Charles, un roman très noir qui commence quand l'épouse d’un important notaire parisien vient signaler sa disparition à la police. Certes l'homme est familier des escapades amoureuses, mais un mois, cela paraît bien long. L'enquête commence mal pour Maigret qui tourne en rond : rien de tangible, pas de corps, pas de messages. Il ne peut qu'interroger Nathalie Sabin-Lévesque, dans son bureau d'abord puis dans le luxueux appartement qu’elle occupe boulevard Saint-Germain.

 

Maigret et monsieur Charles est un roman aux descriptions rares mais aux dialogues nombreux : avec la femme du notaire, le personnel de l’étude et les employés de maison mais aussi avec le concierge (un homme pour une fois), des tenanciers de boites de nuit et même une ancienne entraîneuse devenue marchande de fleurs. Ce sont bien sûr les échanges avec Nathalie qui constituent le point fort du roman, des échanges au cours desquels la bonhomie de Maigret se fissure devant l’agressivité, que favorise la boisson, de son interlocutrice. Pourtant il poursuit son enquête « C’est cette femme, je ne peux pas m’empêcher d’en avoir pitié » dit-il à Mme Maigret et s’obstine même quand il est tout simplement éconduit. 

 

Maigret et Monsieur Charles.
Paris - Boulevard Saint-Germain.

Ce dernier des 75 romans de la série est une peinture sans fard du drame de la dépression et de l’alcoolisme à travers le portrait de Nathalie Sabin-Lévesque, une femme orgueilleuse qui n’a pas su ou pu surmonter l’abandon et la solitude. Le portrait est d’autant plus sombre que contrairement à Aline Calas (Maigret et le corps sans tête) dont l’alcoolisme est comme dans un défi à son monde d’origine, la femme du notaire volage se noie dans le cognac comme dans le désespoir. En dépit de l'hostilité qu’elle lui manifeste, Maigret essaie de la comprendre et a même de l’empathie pour elle. Comme il le dira à son ami Pardon qui lui fait remarquer combien il prend à cœur ses enquêtes :

 

Il y a une chose, disait Pardon, que j'ai de la peine à comprendre. Vous êtes tout le contraire d'un justicier. On dirait même que, quand vous arrêtez un coupable, vous ne le faites qu'à regret.
Cela arrive, oui.
Et pourtant vous prenez vos enquêtes à cœur comme si cela vous touchait personnellement
Et Maigret avait répondu simplement :

Parce que c'est chaque fois une expérience humaine que je vis. Quand on vous appelle au chevet d’un malade inconnu, est-ce que vous n‘en faites pas une affaire personnelle, vous aussi ? (2008-IX : 908)

 

Le roman évoque aussi le thème de la double vie, non pas une vie cachée comme dans Maigret et l’homme du banc mais une vie assumée par un homme joyeux, un peu naïf, comme si ses fugues en galante compagnie étaient une façon de rester dans le monde de l’enfance. Maigret n’aura toutefois pas besoin de reconstruire lui-même cette vie comme il le fait dans Maigret et la jeune morte par exemple puisque plusieurs témoins se chargent de lui faire le portrait du notaire.

 

Jules Maigret, commissaire divisionnaire, chef de la brigade criminelle, quitte la scène à la fin de cette histoire sinistre, après avoir refusé, par amour de la police active et du terrain, le poste de directeur de la P.J. qu’on lui proposait. C’est un homme vieillissant et désabusé qui travaille une dernière fois avec le vieux juge Coindet, qu’il connaît depuis ses débuts, et passe la main à une équipe fidèle qui saura prendre la relève. C’est la fin d’une époque et c’est d’une voix brouillée qu’il confie au juge une affaire résolue et une personne qui, contrairement à lui, se trouve soudain « très à son aise » devant le magistrat.

 

Georges Simenon, Maigret et monsieur Charles © Presses de la Cité 1972 et Omnibus, 2008

 

#Haut de page

Tag(s) : #1972, #Paris, #Presses de la Cité
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :