Simenon a situé cette avant-dernière enquête de Maigret dans le monde des gangsters, entre deux romans traitant de la double vie, un thème qu’il a souvent privilégié. L’histoire débute par la découverte avenue Junot (comme dans Maigret et le fantôme) du corps de Maurice Marcia, un ancien du milieu devenu propriétaire d’un restaurant réputé de Pigalle. D'abord perplexe, Maigret fait rapidement le lien avec le gang des châteaux, des cambrioleurs spécialisés dans le vol de mobilier de luxe et de tableaux de maîtres dans des propriétés inoccupées.
Si le commissaire suit son intuition et dirige les recherches, nous sommes loin de son mode opératoire habituel. Les enquêtes de proximité sont limitées au strict minimum, pas de planques ni de filatures. En fait, Maigret travaille comme par procuration, d’abord grâce à l’aide précieuse d’un inspecteur du 9e arrondissement qui connait Pigalle comme sa poche, une sorte de Lognon en plus efficace et moins soupe-au-lait. Outre l’inspecteur Louis, c’est l’indicateur, longtemps non identifié, qui tient le rôle principal, Simenon reprenant avec La Puce un personnage qui apparait dans d’autres romans. Maigret se retrouve donc à faire la synthèse des informations que lui apportent ces deux hommes pour aboutir à l’indentification des coupables, mais sans parvenir à établir leurs responsabilités respectives. A noter que les personnages clés de l’affaire – un vieux truand officiellement rangé, sa jeune épouse et un amant ambitieux et pressé – rappellent ceux de La patience de Maigret, jusque dans la conclusion, avec des criminels s’accusant mutuellement et s'entredéchirant.
Maigret et l’indicateur reste un bon « roman de gangsters » grâce à une enquête originale et à des personnages bien étudiés : Line Marcia, à classer dans les grands portraits de femmes de la série ; son amant, être sans scrupules ; l’inspecteur Louis, solitaire et performant ; La Puce, qui compense un physique ingrat par une vive intelligence, et sa compagne, une jeune femme plaisante, prostituée à l’occasion, à qui Maigret témoigne une certaine affection.
Enfin, on retrouve dans Maigret et l'indicateur des éléments familiers : le dîner rituel avec les Pardon ; la tendresse des Maigret, discrète mais bien réelle ; le bureau du quai des Orfèvres et sa vue sur la Seine qui ne cesse de ravir le commissaire ; les collaborateurs et les services avec une visite guidée du laboratoire de Moers… Et, plus surprenant, un Maigret qui s’avère être un honnête connaisseur de meubles anciens et de peinture.
Georges Simenon, Maigret et l’indicateur © Presses de la Cité 1971 et Omnibus, 2008.