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Un homme est retrouvé errant dans Paris, frappé d’amnésie et d’aphasie suite à une blessure à la tête. Chargé de l’enquête, Maigret parvient à découvrir qu'il s'agit d'Yves Joris, un capitaine de navire devenu responsable du port de le Ouistreham, près de Caen. Il le ramène chez lui, mais Joris meurt empoisonné le soir de son arrivée.

Après Chez les Flamands, le commissaire retrouve les marins et ceux qui les font naviguer, comme Ernest Grandmaison, riche armateur et maire du village. Une enquête délicate commence dans le froid, le brouillard et la tempête, au rythme des marées et des éclusées. Le port des brumes est une plongée dans Ouistreham ébranlé par un évènement dramatique, une ville de gens de mer rudes où « ceux qui ne mentent pas se taisent bien qu’ils sachent quelque chose ». Dans cet environnement multiforme, des beaux quartiers à la taverne du port près de l’écluse, sur les quais ou dans les dunes, Maigret procède comme à l’accoutumée, prend l’atmosphère, discute, trinque avec les marins et les employés du port, interroge les notables…

C’étaient quatre Ouistreham exactement que Maigret discernait maintenant : « Ouistreham-Port…, Ouistreham-Village…, Ouistreham-Bourgeois, avec ses quelques villas, comme celle du maire, le long de la grand-route…Enfin Ouistreham-Bains-de-Mer, momentanément inexistant. (2007-II : 708)

A partir d'un étrange fait-divers – pourquoi un homme sans histoires comme le capitaine Joris a-t-il été retrouvé errant dans Paris avant d’être empoisonné chez lui ? – Le port des brumes raconte une enquête aux nombreux rebondissements, parfois rocambolesques comme lorsque Maigret est attaqué, assommé et ligoté, qui se termine en tragédie. L’originalité du roman tient au fait que Maigret peine à comprendre ce qui se passe. Tout est ici incertitude et mystère : la véritable personnalité de Julie, la bonne de Jarvis ; le rôle du patron du Saint-Charles et de son second, un ancien bagnard ; l’attitude du maire, muré dans son silence ; le départ précipité de sa femme ; la présence en ville d’un mystérieux étranger… Autant de suspects qui, tous, se taisent ou mentent pour que la vérité n’éclate pas. Difficile alors de savoir ce qui lie des personnages aussi différents, tant le contraste est grand entre les marins et les petites gens du port d’une part et la bourgeoisie d’Ouistreham que personnifie Ernest Grandmaison, le maire et armateur.

Maigret, qui n’aime guère les riches et les notables, choisit vite son camp, préférant les clients du caboulot local où il faut « rompre la glace, se présenter à tous, donner confiance et même pénétrer en quelque sorte dans le groupe » aux « autres », ceux qui fréquentent le salon des Grandmaison. Ce qui ne facilite pas ses relations avec le maire :

Ce n'était pas un combat. N'empêche qu'on sentait, de part et d'autre, des intentions hostiles. Peut-être simplement à cause de la classe sociale que représentaient les deux hommes.

Maigret trinquait avec les éclusiers et les pêcheurs à la Buvette de la Marine.

Le maire recevait le Parquet avec du thé, des liqueurs et des petits fours.

Maigret était un homme tout court, sans qu’on pût lui mettre une étiquette.

M. Grandmaison était l’homme d’un milieu bien déterminé. Il était le notable de petite ville, le représentant d’une vieille famille bourgeoise, l’armateur dont les affaires sont prospères et la réputation solide. (2007-II : 731)

Finalement, Maigret démêle une histoire pitoyable dans laquelle de vieilles rivalités familiales et amoureuses ont conduit à des malversations financières suivies d'une fuite à l’étranger. A cela s'ajoutent une tentative d’enlèvement qui tourne mal et un  assassinat, bref, des vies gâchées. Il n’aura pas à donner suite, le coupable se faisant lui-même justice, mais il aura la satisfaction d’avoir rétabli la vérité « pour empêcher l’assassin de Joris d’être heureux… », un Joris mort dont il est maintenant le « seul ami ». Il quitte discrètement une ville dont il connait désormais tous les recoins, laissant les acteurs et les témoins du drame poursuivre leur existence et le temps faire son œuvre.

Georges Simenon, Le port des brumes © Fayard, 1932 et Omnibus, 2007.

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Tag(s) : #1932, #Normandie, #Scènes de la vie de province, #Fayard
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