Maigret, le précédant roman écrit par Simenon devait être le dernier de la série, le commissaire prenant sa retraite. L'écrivain attendra six ans et 1942 avant de publier dans Maigret revient… (avec Cécile est morte et La maison du juge) Les caves du Majestic, dans lequel le commissaire revient comme chef de la brigade spéciale après 25 ans de service. Sans lien chronologique avec les dernières livraisons, c’est un peu un nouveau Maigret qui renaît, même s’il porte toujours son « énorme manteau de velours au col de velours légendaire ».
Mrs Clark, une riche Américaine, est retrouvée étranglée dans le vestiaire du personnel de l'Hôtel Majestic sur l’avenue des Champs-Elysées à Paris ; son mari étant un important industriel, Maigret est prié de mener l'enquête avec discrétion. Le lendemain, le portier de l’établissement est lui aussi retrouvé assassiné dans le même vestiaire.
La chaleur qui régnait dans le sous-sol l’avait obligé à se débarrasser de son pardessus, mais il n’avait abandonné ni son melon, ni sa pipe. Ainsi, paisible, il se promenait dans les couloirs, les mains derrière le dos, en s’arrêtant de temps en temps devant une des cloisons vitrées, un peu comme il se serait arrêté devant un aquarium. (2007-III : 318)
Les caves du Majestic, une histoire complexe de chantage et de faux en écriture, permet à Simenon d’évoquer le monde des palaces et de ses riches clients, ses danseuses légères et ses entraîneuses qui ont réussi, ses fausses bourgeoises et ses vrais escrocs. Evoquer seulement, car il se concentre surtout sur les petites gens, les employés anonymes du monde d’en bas qui servent la clientèle d’en haut : « Mais encore une fois, nous, dans le sous-sol, nous ne savons rien de ce qui se passe au dessus de nos têtes… ».
Dans le Paris chic entre les Champs-Elysées et le Bois de Boulogne (avec une incursion à Cannes), Maigret retrouve les grands hôtels, leurs clients et l’atmosphère esquissée dans Pietr le Letton, le monde et le demi-monde, le microcosme de ceux d’en haut (dans lequel il inclut le juge d’instruction à qui il s’oppose, comme souvent) au sein duquel il n’est pas particulièrement à l’aise et que, finalement, il méprise. C’est pour cela qu’il fera une fois de plus preuve de clémence pour les plus humbles, ceux d'en bas, qu’il voit comme des déshérités de la vie méritant un nouveau départ.
Ce fut une pensée qui passait, comme ça, et que Maigret oublia aussitôt. Il atteignait le second étage du Majestic et il s'arrêtait un instant, pour reprendre haleine. Dans l'escalier, il avait rencontré un maître d'hôtel portant un plateau, un chasseur qui courrait, une liasse de journaux étrangers à la main.
Maintenant, devant lui, des femmes fort élégantes entraient dans l'ascenseur, et sans doute, allaient-elles en bas prendre le thé en musique. Du parfum traînait.
– Ils sont tous à leur place, se dit-il, les uns dans la coulisse, les autres dans les salons et dans le hall…Les clients d’une part, le personnel de l’autre… (2007-III : 368)
Georges Simenon, Les caves du Majestic © Paris, Gallimard, 1942 et Omnibus, 2007.