Si ce n'était déjà le titre d'une nouvelle, le roman pourrait s’appeler Une erreur de Maigret. Quand une vieille dame prétend que les objets bougent chez elle et qu’on la suit dans la rue et qu'elle implore Maigret de la protéger, celui-ci ne la prend pas vraiment au sérieux. Quelques jours plus tard, Léontine Antoine de Caramé est retrouvée étranglée dans son appartement. Pourquoi assassiner une paisible octogénaire à la vie rangée ? Si les premiers suspects peuvent paraitre évidents – une nièce unique héritière, son fils fauché familier de la bohème parisienne – cela parait trop simple pour Maigret qui trouve ce meurtre improbable et inexplicable. Une découverte fortuite le met sur une piste et il s’attache à fouiller dans le passé conjugal de la victime pour trouver la vérité. Au prix d’un séjour express à Toulon pour s’intéresser à des mauvais garçons et retrouver un collègue rencontré dans Mon ami Maigret.
Les interrogatoires et les entretiens tiennent une telle place dans le roman que celui-ci apparait comme bâti uniquement autour de dialogues. Le commissaire s’adresse à nombre de personnages familiers de l’œuvre : les proches de la victime, bien sûr, mais aussi la concierge et les habitants des immeubles, des gérants d’hôtels de second ordre, des barmen et des patrons de bistrots, sans oublier quelques truands, petits ou grands, qui font basculer La folle de Maigret dans le roman de gangsters. Madame Maigret y a aussi sa place et le couple prend plaisir à se promener dans les rues de Paris en évoquant des souvenirs personnels et et même le rôle de l’épouse du commissaire dans L’amie de Madame Maigret.
Ils marchaient pour marcher, pour le plaisir d’être ensemble mais ils n’avaient rien de particulier à se dire. Ils regardaient les mêmes personnes qu’ils croisaient, les mêmes étalages et, de temps en temps, l’un des deux faisaient une réflexion (2008-IX : 506)
Même si cette tendresse n’est pas exempte d’une certaine tristesse :
Mme Maigret comprit le cours qu’avaient suivi les pensées de son mari quand il murmure :
– Au fait, le fils de Marella refuse obstinément de devenir policer.
Qu’aurait-il conseillé lui-même à son fils s’il en avait eu un ?
Ils se dirigèrent bras dessus bras dessous vers le boulevard Richard-Lenoir et ils furent un long moment sans parler. (2008-IX : 595)
Le temps passe, les modes aussi et Simenon se laisse aller à quelques considérations sur les groupes pop des années 70 et les hippies (« Les trois musiciens étaient chevelus et ils portaient tous les trois des pantalons de velours noir et des chemises roses. » (2008-IX : 558) comme il l’a fait dans Le voleur de Maigret.
Georges Simenon, La folle de Maigret © Paris, Presse de la Cité, 1970 et Omnibus 2008